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Article publié dans la revue LAVE N°194

Pompéi, 24 août 79 apr. J.-C.: un jour d’apocalypse
Mais sommes-nous sûrs que la date soit exacte ?

Pippo SCARPINATI

A la suite de nouvelles fouilles archéologiques, un grand nombre d’indices se sont accumulés qui sembleraient exclure la date du 24 août 79 apr. J.-C. comme étant le début de l’éruption du Vésuve qui provoqua l’anéantissement de Pompéi et des villes voisines (l’année 79 apr. J.-C. est absolument certaine). Beaucoup d’indices, comme on le lit dans le langage des avocats, constituent une preuve.

1.  «Éruption du Vésuve le 24 août 79» (1813). Peinture de Pierre-Henri de Valenciennes (1750-1819).
Huile sur toile (148×196 cm), musée des Augustins à Toulouse.

        Désormais nombreux sont ceux qui croient que le désastre a eu lieu exactement deux mois après la date donnée par Pline le Jeune. Bien sûr, ajouter une vérité d’ordre temporelle infime (24 octobre) ne change pas beaucoup les choses : Pompéi est toujours là, magnifiquement immobile dans la mort et objet d’admiration de l’humanité. Mais peut-être qu’une personne qui, comme moi, a visité cette ville, serait curieux de pénétrer un peu plus dans son histoire tragique. Pour mieux comprendre, commençons par l’analyse du calendrier romain qui était utilisé à l’époque du désastre.

Le calendrier romain

        Avec la réforme du calendrier de Jules César puis avec celle de l’empereur Auguste, les romains considéraient l’année sur 365 jours avec un jour supplémentaire pour le mois de février tous les quatre ans. Précisément les mois de janvier, mars, mai, juillet, août, octobre, décembre duraient 31 jours. Les mois d’avril, juin, septembre et novembre duraient 30 jours. Seul le mois de février comptait 28 jours.

        Chaque mois, il y avait trois jours spéciaux ayant leur propre nom : le Kalendae, le Nonae et le Idus.

        Les calendes correspondaient au premier jour de chaque mois. Les nones et les ides variaient selon les mois de l’année et tombaient respectivement le septième et le quinzième jour des mois de mars, mai, juillet et octobre ; le cinquième et treizième jour pour les autres mois.

        Les heures du jour de 12h étaient comptées de l’aube au coucher du soleil, aux équinoxes. Les heures de nuit, 12h également, pour des raisons militaires, se subdivisaient en quatre veilles de 3h chacune.

        Quand les romains devaient indiquer une date, ils ne commençaient pas par compter depuis le premier jour du mois (comme nous faisons aujourd’hui), mais ils comptaient les jours manquants aux calendes, nones ou ides selon leur proximité. En outre, ils incluaient dans le calcul le jour de départ et le jour de l’arrivée.

        Ainsi, quand Pline le Jeune décrit le début de l’éruption du vésuve (Epsitulae, VI, 16, 4) :

        Nonum kal. septembres hora fere septima mater mea indicat ei apparere nubem inusitatam et magnitudine et specie

        Le neuvième jour avant les calendes de septembre, vers la septième heure, ma mère avertit qu’un nuage d’une grandeur et d’une forme extraordinaires apparaissait.

        Nous comprenons qu’il se réfère au 24 août, le neuvième jour avant les calendes de septembre selon les règles du calendrier romain exposées précédemment. Puis l’heure correspond à la septième après le lever du soleil, c’est-à-dire vers 13h. Tout est minutieusement raconté, mais puisque nous ne possédons pas l’écrit original de Pline le Jeune, rien n’exclut le fait que les scribes du Moyen Age aient pu faire une erreur de transcription retransmise au cours des siècles.

Les scribes du Moyen Age

        Les scribes du Moyen Age, avec une infinie patience et dans le silence des cloîtres, ont transcrit les oeuvres antiques classiques et religieuses en assurant ainsi l’héritage à la postérité.

        Mais il faut rappeler que les erreurs de copiage non seulement étaient possibles, mais quelques fois, les scribes créaient volontairement des erreurs de dates, pour faire coïncider un événement historique avec un fait extraordinaire.

        Les romains fêtaient les vulcanalia le 24 août de chaque année. Pendant trois jours, les morts sortaient d’une fosse (mundus) creusée au centre de la ville et se promenaient à loisir parmi les vivants. Puis, la fête terminée, les morts retournaient dans leur monde souterrain et la bouche était recouverte d’une grosse pierre (lapis manalis) jusqu’à l’année suivante. Croyance vraiment admirable qui pourrait avoir influencé les scribes du Moyen Age à transcrire la date du 24 août comme étant le début de l’éruption du vésuve. un volcan déchaîné ne représente-t-il pas la porte d’accès à l’enfer ? Hypothèse séduisante, mais que nous ne pouvons vérifier avec certitude.

Les récentes fouilles archéologiques et la thèse automnale du Vésuve

        Les fouilles archéologiques à Pompéi continuent encore aujourd’hui et ont révélé un bon nombre d’indices en faveur d’une éruption automnale du vésuve. Ce sont des indices, cette fois-ci matériels et non présumés, qui, si on les considère séparément, pourraient être démentis par de faibles argumentations contraires, mais qui dans l’ensemble convergent tous vers une seule conclusion et une date unique : le 24 octobre 79 apr. J.-C. voici quelques exemples.

        Dans de nombreuses maisons de Pompéi ont été trouvés des brasiers qui auraient pu être allumés pour se réchauffer à l’arrivée des premiers froids de l’automne. Puis par l’examen des moules de victimes, on voit clairement qu’ils étaient habillés de vêtements volumineux et lourds que l’on ne portent pas en Campanie pendant les chaleurs du mois d’août. En outre, dans le berceau d’un nouveau-né à Herculanum ont été retrouvées des fibres d’une petite couverture en laine. L’improbable argument contraire pourrait être que la température chuta considérablement à cause de la présence dans le ciel d’un nuage de cendres qui cachait le soleil.

        Dans les vitrines du musée national de Naples, on peut observer les restes d’une quantité de fruits typiques de l’automne, que l’on ne pourrait attribuer à la saison précédente : grenades, prunes, figues sèches, noix, châtaignes, baies de laurier.

        Et un fait, selon moi le plus important, est que l’on a retrouvé des restes d’un repas à base de pain et de sorbes. Je connais parfaitement le fruit du sorbier (sorbus domestica, famille Rosaceae), car il pousse aussi en Sicile et j’en mangeais quand j’étais petit. Il a la forme d’une petite pomme jaune, on le cueille à la fin du mois de septembre, mais sur le moment il a un goût répugnant. Avant de le consommer, il faut le faire mûrir au moins un mois : il devient alors brun et son goût devient doux, mais on doit le manger rapidement, car il est vite périssable.

        Nous concluons avec la vendange, qui, en Campanie, se fait à la fin du mois de septembre et au début du mois d’octobre. Au moment de l’éruption celle-ci était terminée : cela est prouvé par la grande quantité de vin retrouvée et surtout par les nombreuses « dolia » (des amphores destinées à contenir du vin), bien fermées et scellées, signe qu’il y avait déjà eu la fermentation du moût et qu’elles étaient prêtes à être commercialisées.

2.  Le fruit du sorbier

Deux dernières preuves, peut être les plus pertinentes

        La monnaie d’argent

        Dans le musée archéologique de Naples, une monnaie en argent est conservée. Elle a été trouvée dans la main d’une femme morte dans la «maison de bracelet d’or » à Pompéi, et cette pièce d’argent fut frappée sous Titus devenu empereur le 23 juin de l’an 79 apr. J.-C. sur le recto on lit :

IMP (erator) TITUS CAES(ar)
VESPASIAN(us) AUG(ustus)
P(ontifex) M(aximus)

        Sur le verso un animal monstrueux est frappé et les autres fonctions sont décrites :

TR(ibunicia) P(otestas) VIIII CO(n)S(ul) VII
P(ater) P(atriae

        Mais un détail d’une très grande importance est un écrit qui se lit très mal sur la monnaie originale, même si tout semble clair sur le dessin

IMP XV

        Il s’agit du salut impérial, c’est-à-dire l’empereur Titus qui fut porté en triomphe pour la quinzième fois. Et puisque nous savons, de source sûre, qu’il fut acclamé pour la quatorzième fois le 7 septembre, il n’y aurait aucun doute que l’on affirme que IMP XV se réfère à une date logiquement postérieure (par exemple le mois d’octobre suivant).

        Il est regrettable que cet écrit soit peu visible et laisse un petit doute.

3.  D’après Rolandi et al. (JVGR), 2007: The 79 AD eruption of somma : The relationship between the date of the eruption and the southeast tephra dispersion

        Le graffiti au charbon de bois

        Voilà quelques mois, des archéologues ont retrouvé à Pompéi un graffiti écrit au charbon de bois sur un mur extérieur d’une maison. Le détail qu’il s’agit d’un mur extérieur est très significatif, de même que celui de l’outil utilisé pour écrire.

        Le graffiti «XVI K Nov Inulsit pro masumis esurit» : XVI (ante) K(alend) Nov(embre) in[d]ulsit pro masumis esurit[ioni]» dit que le seizième jour avant les calendes de novembre (c’est-à-dire le 17 octobre), le propriétaire de cette maison mangea et but de façon immodérée. un graffiti comme tant d’autres que l’on peut lire à Pompéi, parfois spirituels ou injurieux, et de nombreuses fois obscènes (cf. LAVE 188).

        Le plus grand intérêt est de constater que ce graffiti, tracé avec un charbon de bois très tendre sur un mur exposé aux intempéries, n’aurait pu résister que peu de jours. Et donc, il est catégoriquement exclu que l’on puisse se référer au 17 octobre précèdent le 79 apr. J.-C.

        Il fut écrit une semaine avant la catastrophe. Il est arrivé jusqu’à nous intact dans sa fragilité, car il fut rapidement enseveli d’un voile funéraire par les cendres du vésuve.

        Pour le moment, ce sont les dernières nouvelles sur le tragique événement de Pompéi, des nouvelles qui pourraient être définitivement confirmées ou démenties par de nouveaux rapports archéologiques. La vérité est comme la nature : elle avance à petits pas.

4.  Le graffiti tracé au charbon de bois et découvert récemment sur le mur de la villa «Casa con giardino » region V.
image © Parco Archeologico di Pompei

Traduction de l’italien par Arlette Lorenzi

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