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Thématique ... Risques volcaniques

Article publié dans la revue LAVE N°193 - mars 2019

Genèse de la dernière crise du Piton de la Fournaise
et sa gestion par l’observatoire
(15 septembre/1er novembre 2018)

Aline PELTIER (directrice de l’OVPF)
Philippe KOWALSKI (directeur-adjoint de l’OVPF)

1 - 2 - 3 - 7.  Prélèvements de lave : les échantillons prélevés sont envoyés le plus rapidement possible en métropole (IPGP/P7 et OPGC) pour analyses afin de comprendre l’origine et l’histoire particulière du magma lié à cette éruption.

Les signaux précurseurs

        Au Piton de la Fournaise, les éruptions sont systématiquement précédées par des signaux précurseurs se produisant sur deux échelles de temps et témoignant de processus distincts en profondeur :

        1 – à long terme (quelques jours - semaines), une lente inflation (gonflement de l’ordre de quelques cm par mois) de l’édifice, accompagnée par une faible sismicité et un dégazage de CO2 par le sol, liée à la remontée de magma des profondeurs vers le réservoir magmatique superficiel et

        2 – à court terme (quelques dizaines de minutes - heures), une forte crise sismique (milliers de séismes) accompagnée par de fortes déformations de surface (quelques dizaines de centimètres) témoignant de la rupture du toit du réservoir et de la propagation finale du magma vers la surface...

        Cette éruption n’a pas dérogé à la règle et fut précédée par ces deux types de précurseurs.

4.  traces sismiques enregistrées sur 17 stations de l’OVPF. chaque barre rouge verticale représente un séisme.

        01-14 septembre 2018

        L’éruption du 15 septembre 2018 a été précédée par environ deux semaines d’inflation (gonflement) de l’édifice témoignant de la mise en pression du réservoir magmatique superficiel (localisé aux alentours de 1,5 à 2 km sous la surface) du fait de sa réalimentation par du magma plus profond. Au cours de cette période, la sismicité est restée relativement faible avec uniquement un pic de sismicité le 8 septembre (quinze séismes).

        Le 8 septembre 2018 à 10 h, l’OVPF émet un bulletin exceptionnel qu’il diffuse auprès de la préfecture et du grand public. Le niveau d’alerte avait été maintenu au niveau «Vigilance : éruption possible à moyen terme (quelques jours à plusieurs semaines)» car une phase d’inflation avait immédiatement suivi la fin de l’éruption du 13 juillet 2018. Ce bulletin fut avant tout informatif afin que les différents acteurs de la protection civile se préparent à une crise éventuelle, et n’a conduit à aucun changement de niveau d’alerte.

        14 septembre 2018

        Tout au long de la journée du 14 septembre, l’activité sismique s’est renforcée avec une augmentation progressive du nombre de séismes. Il est devenu clair très tôt pour l’ensemble du personnel de l’OVPF que la rupture du toit du réservoir devenait imminente. L’équipe resta sur le qui-vive jusqu’à l’initialisation de la crise sismique le 15 septembre à 01 h 45 (heure locale). À minuit heure locale le 14 septembre, 52 séismes avaient été enregistrés depuis le début de la journée.

5.  cartographie des contours de la coulée de lave au 30 septembre (en rouge), au 6 octobre (en vert) et au 24 octobre 2018 (en bleu) déduits d’images de cohérence insAr (© LMV/oPGc-oVPF/iPGP) (Fond de carte : © Google Earth).

        15 septembre 2018

        A 02 h (heure locale), l’OVPF émet un bulletin d’alerte auprès de l’EMZPCOI. Le passage en phase d’Alerte 1 est annoncé par la préfecture à 02 h 30 heure locale. Ce passage en «Alerte 1 : éruption probable ou imminente » a pour conséquence la fermeture de l’accès à la caldera de l’Enclos Fouqué (zone inhabitée mais visitée annuellement par plus de 200 000 visiteurs et où 97% de l’activité volcanique récente s’est produite) et l’évacuation des randonneurs sur site. Cette crise sismique ayant débuté de nuit, aucun randonneur ne se trouvait sur site à 02 h du matin.

        Au cours de cette crise sismique, les scientifiques de l’OVPF ont affiné leurs analyses des signaux sismiques et de déformation, et très tôt il est apparu que le magma se propageait en profondeur vers le sud du cône terminal. Cette information de première importance pour la protection civile fut diffusée immédiatement auprès de l’EMZPCOI.

        A 04 h 25 (heure locale), le trémor volcanique, synonyme d’arrivée du magma à proximité de la surface, est enregistré par les sismomètres de l’OVPF. À 04 h 35 (heure locale), l’OVPF émet un bulletin d’alerte auprès de l’EMZPCOI, le passage en phase d’Alerte 2-2 (éruption en cours dans la caldera de l’Enclos Fouqué) est annoncé par la préfecture à 04 h 45 heure locale. Les premières lueurs de l’éruption apparaissent sur les webcams de l’OVPF vers 04 h 39 (heure locale). La localisation de l’éruption, via les cartes automatiques de trémor et les retours visuels des webcams, confirme l’analyse des scientifiques : les fissures éruptives se sont ouvertes sur le flanc sud-sud ouest du cône terminal dans le secteur du cratère Rivals, 300 m environ en aval de l’éruption du 27 avril au 1er juin 2018.

        Tout au long de l’éruption, une veille opérationnelle est mise en place par l’OVPF avec un suivi régulier de l’éruption et un contrôle des signaux enregistrés par le personnel de l’OVPF/IPGP, de l’IPGP et de l’OPGC, qui vient s’ajouter aux alarmes automatiques. Ce suivi est également appuyé par de nombreuses sorties et campagnes de terrain. Les cinq fissures éruptives ouvertes en début d’éruption sont restées actives simultanément pendant les premières heures de l’éruption, produisant des fontaines de lave hautes d’une trentaine de mètres.

6.  Prise de vue du site éruptif le 15 septembre 2018, 11h20 heure locale. image © OVPF/iPGP-imazPress.

        Très vite, l’activité s’est focalisée sur la partie centrale de ce réseau de fissures, débutant la formation d’un cône volcanique. Après être resté égueulé vers le sud jusqu’au 24 septembre, ce cône s’est ensuite entièrement refermé, présentant une bouche sommitale ouverte quasi-circulaire. Simultanément, l’activité a évolué vers un régime dominant de tunnels de lave, et de faibles résurgences de coulées de lave à 150 - 200 m en aval du cône. En octobre, l’activité observable en surface fut très limitée, l’essentiel de la lave se propageant en tunnels avec de rares résurgences; le sommet de l’évent éruptif se « bouchant » progressivement.

        L’éruption s’est arrêtée le 1er novembre 2018 à 04 h heure locale, après trois jours sans qu’aucune résurgence de lave ne fut observée et l’émission d’environ 15 à 20 millions de m3 de coulées de lave en surface.

        Le cône formé lors de cette éruption fut baptisé «Piton Daniel honoré » par une décision collégiale de la Cité du Volcan, le Parc national de la Réunion et l’OVPF, en hommage à l’écrivain réunionnais décédé le 18 octobre 2018.

8 - 9.  Prises de vue du site éruptif les 2 (à gauche) et 18 (à droite) octobre 2018. images © OVPF/IPGP.

Travail de terrain pendant les éruptions

        En complément des données des stations de surveillance implémentées sur le terrain qui enregistrent et transmettent en temps réel leurs données à l’observatoire, des mesures complémentaires effectuées sur le site éruptif, sont réalisées systématiquement au cours de chaque éruption.

9.  Mesures de gaz : les mesures du gaz renseignent sur l’origine du magma et permettent d’estimer des flux de lave en surface.

10.  campagnes de mesures GPS : ces mesures (haute densité spatiale) additionnelles à celles des stations permanentes (haute densité temporelle de mesures) permettent de mesurer très précisément les déplacements du sol et leur intégration dans des modèles numériques afin de mieux imager et comprendre la trajectoire prise par le magma lors de sa remontée vers la surface.

11.  imagerie aérienne survol drone /ULM/ hélicoptère : le traitement des images aériennes par stéréophotogrammétrie permet d’étudier les déplacements du sol sur de grandes surfaces et de réaliser des reconstructions 3D du site éruptif et du champs de lave associé pour notamment estimer les volumes émis et effectuer un suivi temporel de la morphologique du site éruptif.

12.  imagerie thermique : l’imagerie thermique permet de mesurer la température de sortie de la lave et en réalisant des films, d’estimer des flux de lave en surface.

Actualités de l’OVPF et du Piton de la Fournaise

Retrouvez l’ensemble des informations relatives à l’activité du Piton de la Fournaise sur les différents médias de l’OVPF-IPGP:
– le site internet (http://www.ipgp.fr/fr/ovpf/actualites-ovpf),
– le compte Twitter (https://twitter.com/obsfournaise?lang=fr),
– et le compte facebook (https://www.facebook.com/ObsVolcanoPitonFournaise/)

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