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Thématique ... Eruption

Article publié dans la revue LAVE N°204

Eruption sur l’île de La Palma,
archipel des Canaries

Nathalie DUVERLIE

La plus belle et plus spectaculaire éruption depuis le début de ma passion pour les volcans en 1994.

        Cet été 2021, j’ai approché à plusieurs reprises le volcan Fagradalsfjall, en Islande. L’accès était autorisé. Des parkings et sentiers étaient aménagés, afin d’observer cette éruption à bonne distance, en toute sécurité. Sur place, des rangers donnaient des conseils et informaient de l’activité en cours. Lorsque le volcan Cumbre Vieja entre en éruption le 19 septembre, c’est une autre histoire. Toute approche est interdite. La plupart des sentiers sont fermés. C’est compréhensible : les nombreux tremblements de terre provoquent des éboulements. De plus, les services de secours doivent rester disponibles pour toute intervention en rapport avec l’activité volcanique. La seule façon d’approcher du volcan est d’obtenir une accréditation. Je constitue donc un dossier et obtient le laisser-passer tant convoité par tout passionné de volcans. J’ai l’autorisation d’observer l’activité au plus près et d’entrer dans les zones d’exclusion. La seule contrainte est de respecter les horaires (8 h - 20 h).

1.  Observation depuis La Cascada à El Paso (26/10/21)
Image © Nathalie Duverlie

Les nombreux points d’observations du volcan

        Dès mon arrivée en soirée sur l’île de La Palma, j’observe l’activité depuis plusieurs points de vue. Les touristes majoritairement européens ou originaires des îles voisines profitent aussi du spectacle à plusieurs kilomètres du volcan. L’avantage de cette éruption est qu’elle est facilement observable. Les sites sont tous intéressants

        A 9 km du volcan, El Mirador del Time permet d’avoir une vue d’ensemble sur la ville d’El Llano de Aridane, avec le volcan au loin. Ce belvédère est vertigineux, car il domine le barranco de Las Angustias, profond de 500 m.

        A 4 km, depuis le restaurant La Cascada à El Paso, on profite des fontaines de lave et des spectaculaires éclairs dans le panache de cendres. Par contre, les coulées ne sont pas visibles.

        L’église de Tajuya à El Paso, est un autre très bon site d’observation (à environ 3 km du volcan), où touristes et journalistes se retrouvent. Cet endroit permet de voir les fontaines de lave, les éclairs et les coulées de lave. L’inconvénient est qu’il est très fréquenté. Il vaut mieux être patient ou arriver tôt, pour trouver une place de stationnement.

        Un autre belvédère se situe à El Roque de Los Muchachos, à 2 426 m d’altitude. Il s’agit du sommet de l’île de La Palma, accessible en véhicule, après de nombreux virages. Depuis ce point de vue panoramique sur la caldeira de Taburiente, la mer de nuages est percée par le panache de cendres. Au 28 octobre, il atteignait 2 500 m d’altitude.

        

2.  Depuis El Mirador del Time (03/11/2021)
Image © Nathalie Duverlie

3.  Depuis l’église de Tajuya à El Paso (30/10/2021)
Image © Nathalie Duverlie

4.  Observation depuis El Roque de Los Muchachos, (03/11/2021)
Image © Nathalie Duverlie

Approche du volcan

        Grâce à l’accréditation, j’ai le droit de rouler sur les pistes fermées au public. C’est le cas de la piste LP301 que j’emprunte depuis le village de San José. Dès le bas de la route, un panneau indique que la route est coupée à la circulation. Je poursuis la montée sinueuse. Quelques kilomètres plus loin, je déplace les barrières à deux reprises, pour continuer l’approche. Personne n’est là pour contrôler l’accès. C’est surprenant. La piste est recouverte de cendres, mais ma voiture à deux roues motrices passe sans problème. J’arrive finalement au mirador Astronomico del Llano del Jable, un des nombreux points d’observations astronomiques de l’île. Je ne suis pas venue pour observer les étoiles, mais bien pour approcher le volcan. Là, deux gardes vérifient mon autorisation. Grâce à des jumelles, ils surveillent activement les environs, ils savent que des randonneurs bravent l’interdiction et tentent d’approcher le volcan en se cachant dans la forêt. Des drones sont également utilisés pour effectuer cette surveillance. Je rencontre une équipe de scientifiques de l’Institut Volcanologique des Canaries (INVOLCAN), en train de prélever de la cendre et filmer l’activité. Je suis à environ 1,5 km à vol d’oiseau du volcan très en forme. Ce site d’observation est déjà intéressant. Le panache de cendres monte, formant une superbe colonne verticale. J’entends le grondement du volcan. Je décide d’approcher. En plus du matériel classique, je prends l’équipement de protection nécessaire, à savoir le casque, le masque à gaz et les lunettes. Je descends et me retrouve face aux bouches actives. Le spectacle est dantesque et impressionnant. Les fontaines de lave jaillissent de plusieurs bouches en même temps, avec une puissance phénoménale. D’autres bouches produisent des cendres. Le bruit est assourdissant. Le niveau sonore est si élevé, que je mets les bouchons d’oreilles. Les bombes retombent violemment sur le sol et sur les sapins, dont il ne reste que le tronc. Certains arbres brûlent. J’arpente prudemment les environs et découvre de nombreuses bombes encore chaudes. Certaines sont de taille métrique. Le volcan se déchaîne. Régulièrement, je change de point de vue, pour apprécier au mieux l’activité. Les conditions d’observations sont idéales. Je ne suis pas gênée par les gaz, ni les cendres. Je ressens la chaleur du volcan. Je ne me lasse pas de ces explosions photogéniques et de cette ambiance. Au coucher du soleil, l’incandescence de la lave commence à être visible et je me rends compte de la hauteur atteinte par les fontaines. Depuis le début de ma passion pour les volcans en 1994, c’est la plus belle éruption à laquelle j’assiste. Après avoir profité de ce spectacle fascinant (et très bruyant), je quitte ce site des images plein la tête.

        

5.  Au plus près du volcan (24/10/21)
Image © Nathalie Duverlie

6.  Au plus près du volcan (24/10/21)
Image © Nathalie Duverlie

7.  Au plus près du volcan (24/10/21)
Image © Nathalie Duverlie

8.  Au plus près du volcan (24/10/21)
Image © Nathalie Duverlie

9.  Au plus près du volcan (24/10/21)
Image © Nathalie Duverlie

Dégâts sur l’île et surveillance active

        Le volcan Cumbre Vieja n’a pas une activité particulièrement intense, comparée à d’autres éruptions historiques. Mais elle provoque des dégâts matériels, tant aux habitations et bâtiments, qu’aux bananeraies. Par chance, aucune victime n’est encore à déplorer. Depuis le début de l’éruption, les coulées de lave avancent inexorablement, détruisant tout sur leur passage. Elles coupent en deux l’Ouest de l’île avec des fronts de lave dépassant les 10 m de haut. Elles atteignent désormais la mer en formant des deltas. L’éruption se produisant dans une zone à forte densité d’infrastructures, la police surveille continuellement les zones évacuées, afin d’éviter le pillage. De nombreux barrages sont ainsi mis en place, avec des contrôles drastiques.

        En plus des coulées de lave, le volcan libère des quantités de cendres importantes qui retombent sur La Palma ou les îles voisines. Le panache éruptif peut atteindre des altitudes élevées. Selon la direction du vent, il affecte l’activité de l’aéroport qui a cloué les avions au sol à plusieurs reprises, lors de mon séjour de deux semaines. Fin octobre, les établissements scolaires de Los Llanos, El Paso, Tazacorte, Puntagorda et Tijarafe ont aussi été fermés pendant une semaine. Dans ces communes, les habitants ont pris pour habitude de porter des lunettes de protection, en plus d’un masque sur le nez et la bouche. Les cendres s’infiltrent partout et il vaut mieux se protéger contre ses particules fines. Lorsque les quantités sont trop importantes, les gens utilisent en plus un parapluie. C’est souvent le cas à l’église de Tajuya.

        

10.  Coulée de lave coupant une route à Las Manchas
Image © Nathalie Duverlie

11.  Le panache de cendre du Cumbre Vieja observé depuis El Roque de Los Muchachos (03/11/2021)
Image © Nathalie Duverlie

12.  La coulée de lave avance inexorablement recouvrant les habitations et les bananeraies (observation depuis Montana de la Laguna – 04/11/2021)
Image © Nathalie Duverlie

Zones d’exclusion au village de Tacande et dans la ville de La Laguna

        Je me rends à plusieurs reprises dans ces zones évacuées. A chaque point d’entrée, je présente l’accréditation et ma carte d’identité. Puis, par téléphone, les agents de police vérifient la validité du laisser-passer, auprès du centre opérationnel. Je dois aussi montrer les équipements de protection (casque, masque à gaz, lunettes). En fait, depuis le début de l’éruption, certaines municipalités sont uniquement accessibles sur autorisation. Mais, pour d’autres sites encerclés par les coulées, l’accès ne peut se faire que par hélicoptère. Quant à la ville de Todoque, elle est en grande partie détruite.

        Depuis la ville de Los Llanos de Aridane ou El Paso, il est possible de se rendre à Tacande ou La Laguna seulement. J’arpente les rues désertes et silencieuses, recouvertes de quelques centimètres de cendres. Au loin, le volcan continue de faire des siennes. Je fais peu de rencontres : des habitants récupérant des affaires dans leur maison, des bénévoles nourrissant des animaux domestiques restés dans les jardins, des journalistes faisant voler un drone, des pompiers surveillant la coulée refroidie, des agents de la police faisant des rondes. Je constate les dégâts causés par l’épaisse coulée de lave. Pour l’instant, elle a pris un autre cheminement laissant un peu de répit aux habitants. Mais je ne m’attarde pas dans cette zone. Je monte sur la Montana de La Laguna. Situé à 340 m d’altitude, ce promontoire est un bon belvédère pour observer l’activité du volcan et la progression des coulées de lave qui ont rejoint la mer. Les militaires, les scientifiques et les pompiers se rendent aussi à ce point de vue. On se rend compte de l’étendue du champ de lave.

        

13.  Pompiers en attente de la fin de l’éruption (27/10/2021)
Image © Nathalie Duverlie

14.  La coulée de lave dans la ville de La Laguna (26/10/2021)
Image © Nathalie Duverlie

Zone d’exclusion au village de Las Manchas

        Le village de Las Manchas est situé à quelques kilomètres au Sud de Los Llanos de Aridane. Il était accessible rapidement par la route LP2, avant l’éruption. Le volcan en a décidé autrement, en coupant tous les accès de ce côté. Désormais, il faut parcourir un long et sinueux trajet, en contournant l’île par l’Est puis le Sud. Pour accéder à cette zone d’exclusion, un seul barrage de police est placé au Nord de Fuencaliente. Dès 8 h du matin, des dizaines de véhicules attendent en file indienne. Cela permet aux habitants d’entrer en convoi, sans avoir à montrer leur autorisation de façon individuelle. Ils viennent régulièrement nettoyer les toits des maisons et autres bâtiments du village de Las Manchas et du lieu-dit Jedey. Si rien n’est fait, tout risque de s’écrouler sous le poids de la cendre. Ces personnes pourront ainsi revenir chez elles, à la fin de l’éruption.

        Dans les environs, la quantité de cendre est particulièrement importante. Ceci est dû au vent, souvent dirigé vers l’Ouest et à la proximité du volcan. Les engins de chantier s’affairent à déblayer sans cesse la route principale, permettant les déplacements dans de bonnes conditions. En revanche, les routes secondaires sont laissées sous une épaisse couche de cendres. D’ailleurs, un sens de circulation est imposé, certaines pistes ayant des pentes trop fortes pour être remontées avec un simple véhicule. Je me gare et fais le tour de quelques propriétés à pied dans ce paysage gris. Le volcan étant à moins d’un kilomètre, ses explosions sont parfaitement audibles. Une pluie de lapilli tombe continuellement. Les travailleurs sont donc obligés de porter des lunettes, un masque sur le visage et un casque. Les conditions de travail sont difficiles dans cette ambiance.

        

15.  Les routes encombrées de cendres volcaniques au village de Las Manchas (27/10/2021)
Image © Nathalie Duverlie

16.  Les bananeraies sont recouvertes par les retombées de cendre
Image © Nathalie Duverlie

17.  Le toit de cette maison à Las Manchas est à nettoyer rapidement des cendres accumulées (27/11/2021)
Image © Nathalie Duverlie

18.  Les plantes souffrent aussi des cendres volcaniques de la Cumbre Vieja
Image © Nathalie Duverlie

        Je me rends ensuite à l’incontournable Plaza de la Glorieta, ornée de cactus et de mosaïques florales sur le sol et les bancs. Lors de ma visite en 2012, j’avais apprécié ce site, aux couleurs vives. Cette magnifique place colorée est remplacée (temporairement je l’espère) par un tapis de gris. Je dois creuser plus de 15 cm pour retrouver les décorations faites sur le sol. Quant à la station balnéaire de Puerto naos ou la plage de La Bombilla, elles sont aussi complètement désertées.

Prochain séjour

        En 2012, j’avais consacré mon séjour sur l’île de La Palma, à la visite de tunnels de lave. La volcanospéléologie fait partie de mes activités. Cette fois, je suis venue, pour l’éruption du volcan Cumbre Vieja. J’en ai profité pour revisiter de nombreux sites touristiques, comme les pétroglyphes, les piscines naturelles de Fajana, les salines de Fuencaliente, les observatoires astronomiques ou le volcan Teneguia dont l’éruption date de 1971. Quel sera le but de ma prochaine visite sur La isla Bonita ?

        

19.  La Plaza de la Glorieta si colorée et si noire actuellement
Image © Nathalie Duverlie

20.  La plage de La Bombilla au loin et les bananeraies recouvertes par la coulée de lave.
Image © Nathalie Duverlie

21.  La Cumbre Vieja et son spectacle pyroclastique
Image © Nathalie Duverlie

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