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Thématique ... Eruption

Article publié dans la revue LAVE N°211

L’éruption à Litli-Hrútur, Reykjanes, Islande, en juillet 2023

Dominique BOSTYN & Sylvain CHERMETTE

Cet article à quatre mains sur l’éruption de Litli-Hrútur qui s’est déroulée dans la presqu’île de Reykjanes en Islande durant l’été 2023 (le troisième réveil après ceux de 2021 et de 2022 ) propose un premier texte – «L’éruption » – de Sylvain Chermette de « 80 Jours Voyages » et un second – «Les voyages et les observations » – de Dominique Bostyn qui a participé à son second périple.

a.  Carte des risques du site de l’éruption de Litli-Hrútur mise à jour le 10 août 2023 et montrant aussi l’extension des coulées de 2023 par rapport à celles de 2021 et 2022. Source : Icelandic Met Office.

L’éruption

        Moins d’un an après l’éruption d’août 2022, le 04 juillet 2023, un essaim sismique s’est mis en place au sud-ouest de Reykjavik dans la péninsule de Reykjanes, proche des sites des éruptions de 2021 et 2022. Les signaux laissaient peu de doute sur l’origine magmatique de l’activité et la formation d’un dyke. La question était alors de savoir SI, QUAND, et OÙ le magma allait pouvoir rejoindre la surface. L’activité sismique et la déformation étaient localisées légèrement plus au nord-est que lors des précédentes éruptions, entre le plateau de Fagradalsfjall et la vallée de Meradalir au sud et l’ancien volcan de Keilir au nord (cf. Carte a.).

        Pendant plusieurs jours, beaucoup d’entre nous étaient en haleine, scrutant les webcams, jusqu’à ce que l’éruption commence enfin le lundi 10 juillet 2023. Le soir même, Sylvain Chermette (80 Jours Voyages) mettait tout en oeuvre pour organiser un départ express qui se concrétisera avec la venue d’un premier groupe dès le samedi, suivi d’un second groupe la semaine suivante.

        L’éruption a commencé avec l’ouverture d’une série de fractures de plusieurs centaines de mètres, orientées vers le nord-est. La lave a atteint la surface à 16h40 (18h40 en France). Durant les premières heures de l’éruption, le débit aurait été supérieur à celui des départs d’éruptions en 2021 et 2022 (environ 50 m3/s). Ce débit initial a vite diminué pour se stabiliser autour des 15 m3/s le 11 juillet. Lorsque nous y étions avec les groupes, le débit était autour des 9 - 10 m3/s avant de tomber début août à 3 - 4 m3/s, importante diminution qui annonçait la fin de l’éruption finalement actée le 10 août.

        Très vite, les coulées vont former un champ de lave et recouvrir la partie nord des coulées de 2021. Elles se sont dirigées principalement à l’est et au pied du seul relief des environs, la butte de Litli-Hrútur dont le nom sera souvent utilisé pour caractériser cette nouvelle éruption.

        Les premières analyses montrent que le magma est un basalte tholéïtique, semblable à celui émis vers la fin de l’éruption de 2021 et lors de l’éruption de 2022. Cette lave a la caractéristique d’être très fluide et a permis l’observation de belles coulées et de rivières de lave. Rapidement les fontaines de lave initiales ont formé un rempart de projections construisant un spatter-cône confinant la lave bouillonnante dans le cratère. La lave s’échappait en coulée par des fractures sous le cône, par projection, ou par débordement en fonction des jours. Depuis le point haut de Litli-Hrútur, nous pouvions donc observer un lac de lave bouillonnant confiné dans le cratère d’où s’échappaient parfois des coulées, parfois des rivières de lave et toujours une belle activité de projections à plusieurs dizaines de mètres au-dessus du cratère.

        La butte de Litli-Hrútur qui surplombait le cône est située à seulement 400 m de ce dernier. Elle offrait un extraordinaire point d’observation de l’éruption dont nous avons très largement profité avec les deux groupes qui ont eu la possibilité et l’audace de se libérer très rapidement pour participer à cette aventure islandaise qui aura finalement duré moins d’un mois.

1.  Débordement du cône le 19 juillet au petit matin. En arrière-plan on distingue l’ancien volcan Keilir

2.  En premier plan, plusieurs coulées s’épanchent du cône éruptif. En arrière-plan, on distingue dans la brume l’ancien volcan Keilir.

3.  Le cratère échancré suite à un effondrement partiel laisse la lave s’écouler en rivière.

4.  Les projections au-dessus du cratère offrent de belles formes surnaturelles. On distingue les vibrations de l’air chaud qui créent un arrière-plan flouté.

5.  Rivière de lave au lever du jour.

6.  Le cône se construit au fur et à mesure avec le dépôt de projections qui se soudent en retombant comme on peut l’observer de part et d’autre...

7.  Gros plan sur une rivière de lave...

8.  puis l’édifice fragile finit par s’effondrer en partie laissant la lave couler avant de mieux se reconstruire. La répétition de ces cycles construction / effondrement - débordement font que le cône s’empâte plutôt que de gagner en hauteur....

9.  Gros plan sur un débordement sur fond de lave bouillonnante dans le cratère.

10.  Les coulées fluides s’écoulent en rivière depuis le cône. petit à petit elles vont former des tunnels qui permettront à la lave de parcourir de longues distances.

Toutes les images © Sylvain Chermette

Les voyages et les observations

Arrivée à la deuxième semaine organisée par « 80 Jours Voyages », j’ai donc pu assister à cette éruption à la fin du mois de juillet. nous profiterons pleinement d’un séjour de six jours en allant quatre fois sur Litli-Hrútur, passant un après-midi à Reykjavik et profitant une journée de l’incontournable Cercle d’Or. Les solfatares de Krysuvik seront en prime...

1.  Commence alors le chemin de 9,5 km...

• Jour 1

        A peine les bagages déposés à la maison louée près de Reykjavik, le groupe se forme ; je retrouve des connaissances d’anciens voyages, un copain L.A.V.E. et rencontre de nouvelles personnes. Une bonne ambiance se met en place presque aussitôt. Et départ immédiat pour une première découverte de l’éruption. Sylvain choisit précisément le chemin passant à l’ouest des anciennes coulées 2021 et 2022, le seul permettant l’accès à la butte surplombant le cratère.

        Commence alors le chemin de 9,5 km, assez bien tracé mais caillouteux à souhait et qui inclut deux « beaux » raidillons. Nous longeons les coulées de 2021, puis celles de 2022 ; au loin, une colonne de fumée nous sert de boussole...

        L’arrivée sur le site apporte son lot d’émotions. Nous cherchons un endroit un peu abrité du vent et chacun s’installe, pointant son objectif photographique ou s’imprégnant simplement de ces images éblouissantes. Arrivés aux alentours de 19h, nous resterons presque cinq heures en observation, insensibles aux bruits incessants des hélicoptères et des drones...

        Un lac de lave bouillonne dans le cratère, les coulées font évoluer sans cesse le paysage, remplissent une dépression ici, déferlent en cascade plus loin. Deux magnifiques torrents se forment au pied du cône... Lentement, la « presque-nuit » reprend ses droits, le site se vide progressivement de son public et nous sommes de plus en plus seuls devant la magie du spectacle transcendé par l’obscurité relative de la nuit islandaise.

        Et à une heure du matin, je vais tester mon premier retour nocturne ; chacun marchant à son rythme, le groupe s’étire un peu, Sylvain fermant la marche. Je suis contente d’échanger avec Fausta qui entame elle, sa deuxième semaine de voyage. Pourtant éreintants, ces retours où la pénombre renforce l’impression de solitude dans ces paysages austères, baignés par une nuit relative et un calme irréel, ont été des moments magiques...

        Nous allons ainsi vivre en décalé pendant plusieurs jours, dormant le matin, prenant un déjeuner roboratif le midi et tentant une petite sieste avant de repartir en après-midi pour avaler les fameux 9,5 km et nous remplir des lumières de Litli-Hrútur.

2.  Le chemin longe la coulée 2021.

3.  Arrivée sur la butte de Litli-Hrútur.

4.  Activité du premier soir : bouillonnement et projections dans le cratère, coulées de lave...

5.  puis changement de lumière avec l’arrivée de la « presque-nuit ».

6.  Retour nocturne, à la lumière du volcan.

• Jour 2

        A la deuxième visite, le 23 juillet donc, le nord de la coulée s’est couvert d’une gangue de lave refroidie noire et la dépression se remplit lentement. Par contre, le sud de la coulée se zèbre dès l’arrivée du soir, sillonnée par une multitude de torrents, cascades et coulées de lave. Le cratère n’a guère changé d’altitude du fait des effondrements continuels de ses parois. Je repère plusieurs tunnels de lave qui s’orientent résolument vers le sud; la nuit se passe à photographier les formes graphiques des coulées car nous profitons de conditions météorologiques exceptionnelles.

7.  Activité continue du cratère.

• Jour 3

        Notre troisième nuit devant ce Litli-Hrútur qui nous attire comme un aimant, sera, elle, ponctuée par un évènement impressionnant, un tourbillon de dégazage s’installant dans la coulée principale. D’énormes lambeaux de lave sont projetés haut dans le ciel nocturne en un vacarme assourdissant. Ce phénomène se reproduira plusieurs fois comme si ce cabotin de volcan voulait être sûr d’avoir bien été pris en photo !!!

• Jour 5

        Après ce troisième périple, la fatigue se fait sérieusement sentir et la proposition d’une journée plus calme est la bienvenue. voici une superbe occasion pour faire un « tour » dans le Cercle d’Or. Cette zone est la plus touristique d’Islande, mais elle le vaut bien

        Nous irons à Thingvellir et à Geysir, mais c’est Gullfoss qui m’éblouit en me gratifiant de son magnifique arc-en-ciel. Ce phénomène optique est créé quand les gouttes d’eau en suspension renvoient la lumière du soleil. Malgré quatre visites, c’est la première fois que les conditions météorologiques me permettent de le voir ! En Islande, il faut savoir attendre...

        Puis Geysir, où le Strokkur n’a pas perdu de sa régularité depuis ma première visite en 1977...

        Enfin, nous passons à Thingvellir, là où la Terre offre à tous l’image parfaite d’un graben, fossé tectonique créé par l’ouverture de la lithosphère le long de la dorsale médio-atlantique.

• Jour 6

        Pour la quatrième fois, nous refranchissons les 9,5 km, sorte de passeport pour Litli-Hrútur. Nous avons décidé de monter en haut du mont, afin de surplomber le cratère et de voir l’étendue des coulées qui ont recouvert celles de 2021 et 2022. Nous passons également près de la webcam assurant la surveillance de l’éruption. Mais le vent porte vers nous les fumées des feux de mousses que les pompiers tentent d’éteindre aujourd’hui, de l’autre côté de la coulée. Il fait plus froid ce soir, et nous redescendons rapidement pour profiter du rayonnement de la lave et finissons en filmant les fins de coulées qui s’épanchent encore lentement.

        Un dernier retour... à la lumière du volcan... avant de reprendre pied dans la réalité... Ces éruptions qui ne détruisent aucune vie, que l’on peut approcher presque sans danger, restent de véritables cadeaux pour nous, amoureux des soubresauts tectoniques.

8.  Intérieur du cratère vu du sommet de la butte Litli-Hrútur.

9.  La webcam située sur le haut de la butte, avec vue sur le volcan Keilir plus au nord.

10.  Gulfoss et son arc-en-ciel qui explique son nom : la « chute d’or » en islandais.

Sources

- Icelandic Met Office & Université d’Islande
- Relevés sismiques : https://en.vedur.is/earthquakes-and-volcanism/earthquakes/reykjanespeninsula/
- Tremor : http://hraun.vedur.is/ja/englishweb/tremor.html
- the activity in the Reykjanes peninsula has entered a new phase (description et reporting de l’éruption), Icelandic Met Office : https://en.vedur.is/about-imo/news/earthquake-activity-in-fagradalsfjall-area
- Eruption at Fagradalsfjall and Litli-Hrútur 2021-2023, Icelandic Institute of Naturale History, Modélisation 3D: https://www.ni.is/en/resources/publications/3d-models/eldgos-vid-fagradalsfjall
- Iceland Review: https://www.icelandreview.com/news/eruption-at-litli-hrutur-over/ [À noter que plusieurs sites de médias islandais et de webcams (aujourd’hui désactivées pour la plupart) ont fonctionné pendant l’éruption, apportant quotidiennement de riches informations sur le déroulement de l’éruption : Ruv.is, visit Iceland, mbl.is, etc.]
- Ludovic Leduc, 20 juillet 2023, un accès contrôlé et sécurisé permet de contempler l’éruption spectaculaire du volcan Fagradalsfjall en Islande, Futura-Sciences : https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/volcan-accescontrole-securise-permet-contempler-eruption-spectaculaire-volcan-fagradalsfjall-islande-106447/
- Journal d’un volcanophile : https://laculturevolcan.blogspot.com/2023/07/un-point-dactus-volcansmayon-piton-de.html
- Bulletin info-LAVE de L’Association volcanologique Européenne sur «Reykjanes » : http://www.lave-volcans.com/lave_gp/index.php?action=045&ne=Reykjanes#P045_haut
- Claude Grandpey : volcans et Glaciers : https://claudegrandpeyvolcansetglaciers.com/

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