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  VOLCANS
/ Synthèse de l’actualité volcanique

Quelques actualités volcaniques... du 1er mars 2023 au 31 mai 2023

_______________ Ludovic Leduc _______________

Extrait de la revue LAVE N°213 parue en avril 2024
Extrait de la revue LAVE N°212 parue en décembre 2023
Extrait de la revue LAVE N°211 parue en octobre 2023
Extrait de la revue LAVE N°210 parue en juillet 2023

Sans compter les nombreux volcans sous-marins,
40 à 50 volcans en moyenne sont en éruption simultanément sur notre planète.
Heureusement, ces deux pages n’ont pas pour vocation à être une liste exhaustive de celles-ci,
mais plutôt d’axer sur les situations qui me semblent les plus intéressantes...

Durant ce trimestre, c’est le Kamchatka qui a attiré tous les regards. Indiscutablement. Au Be⁠zymianny d’abord, l’activité éruptive s’est intensifiée à partir de la fin du mois de mars, avec l’apparition d’avalanches pyroclastiques sur le versant est du volcan, indiquant une extrusion en cours dans le cratère sommital. Puis, le 7 avril, une importante explosion forma un panache de cendres de 9 km de haut !

À 90 km au Nord de ce dernier, l’activité extrusive en cours (depuis 1999) sur le Shiveluch s’est elle aussi intensifiée fin-mars, avec une extrusion très active à l’origine de quelques modestes nuées ardentes dans le périmètre du volcan. Et puis, dans la nuit du 10 au 11 avril, une puissante activité explosive forma une imposante colonne de cendres qui, à l’aube, a culminé à plus de 16 km d’altitude. Elle pourrait même avoir atteint 20 km ! Les habitants du village de Klioutchi, à 50 km au Sud du volcan, se réveillèrent dans une obscurité totale à cause des cendres qui, dans la journée, formèrent un dépôt de 8,5 cm d’épaisseur : du jamais vu depuis 60 ans à cet endroit !
Ces cendres recouvrirent 25000 km2, environ 10 % de la surface du Kamchatka . Au lever du jour également, quelqu’un filma des fronts de nuées ardentes à proximité de la piste sur laquelle il se trouvait et qui passe à ... 20 km du dôme actif. Incroyable ! Peut-être que ces coulées pyroclastiques ont profité de la neige pour se fluidiser et ainsi s’étendre plus loin, mais quoi qu’il en soit, 19 km de distance, c’est exceptionnel ! Après ce paroxysme, l’activité explosive a perduré, intense, pendant cinq jours, jusqu’au 16 avril, laissant alors enfin voir le volcan... Et quelle surprise ! La majeure partie du complexe de dômes qui se formait depuis 1980 a été pulvérisé... La zone active a ainsi perdu au moins 500 m de haut et à sa place, un cratère de 1 300 m de diamètre, ouvert vers le Sud-Sud-Est, s’est formé ! C’est donc un événement majeur qui s’est déroulé ce 11 avril 2023, un événement qui se produit régulièrement sur ce volcan, mais dont la récurrence est de plusieurs décennies (le dernier datait de 1964). Ensuite, un dôme de lave fut rapidement repéré en croissance à l’intérieur de ce cratère...
L’histoire du Shiveluch est ainsi un éternel recommencement !

En Amérique du Sud, les émissions de cendres ont continué sur le Nevado ⁠del⁠ Ruiz, en Colombie. La sismicité a augmenté à la fin du mois de mars, jusqu’à un niveau particulièrement élevé. En conséquence, les autorités ont décidé d’évacuer une quarantaine de familles. L’activité s’intensifia modérément, avec des émissions de cendres plus fréquentes qui provoquèrent quelques retombées dans certains villages, mais elles ont rarement dépassé 2000 m de hauteur...

En Équateur, le Sangay poursuit lui son activité strombolienne qui, par moments, s’intensifie. Des coulées de lave furent, par exemple, repérées les 17 mars et 16 avril, alors que des chutes de cendres furent remarquées le 21 mai.

En Amérique centrale, quelques explosions se sont produites sur le Rincon⁠ de⁠ la⁠Vieja au Costa Rica durant cette période et plus fréquemment à partir de mi-avril. Certains panaches de cendres furent assez importants, de 4 à 5 km de haut comme les 21 avril et 26 mai, et parfois même associés à de courts écoulements pyroclastiques et des lahars dans les rivières affluentes. En outre, le niveau d’eau du lac du cratère a bien diminué, ce qui pourrait indiquer la présence de magma non loin de la surface, permettant de supposer une activité phréatique ou phréatomagmatique.

Sur le Fuego, au Guatemala, un nouveau paroxysme s’est produit le 4 mai. Parallèlement à la hausse de l’activité explosive, qui a d’ailleurs engendré des retombées de cendres vers l’ouest, des coulées de lave se sont épanchées dans plusieurs ravines. Comme de coutume, leur effritement dans la pente a généré des nuées ardentes de 5 à 7 km... Les autorités ont rapidement fermé une route et évacué 1200 personnes de cinq villages : la catastrophe du 3 juin 2018, qui a fait au moins 300 victimes, n’a visiblement pas été oubliée !

Enfin, sur le Popocatepetl, au Mexique, l’activité explosive intermittente habituelle est devenue continue à partir du 20 mai et a duré pendant une semaine. Cette activité a engendré des retombées de cendres assez importantes dans de nombreux villages et a obligé deux aéroports de Mexico à fermer momentanément...

En Europe, ce sont les habituels volcans italiens qui ont fait parler d’eux. D’abord, sur l’Etna, quelques modestes émissions de cendres ont été repérées mi-mai sur la Bocca Nuova et le Cratère Sud-Est, avant une intensification brutale de l’activité dans la matinée du 21 mai. De ce nouveau paroxysme du Cratère Sud-Est, il n’existe qu’une image d’une webcam montrant la fin de l’épanchement de la coulée de lave associée, qui a quand même parcouru 2,3 km vers le Sud. En revanche, les pyroclastes projetés par ce paroxysme retombèrent abondamment sur les flancs Sud et Sud-Ouest du volcan, si bien que l’aéroport de Catane, situé à une trentaine de kilomètres du sommet, fut fermé pendant une demi-journée ! En arrivant quelques jours plus tard pour mon séjour en Sicile « Objectif volcans – 80 Jours voyages », il n’était pas difficile de repérer ces cendres par terre... et encore moins les lapilli recouvrant les routes dans le secteur de Sapienza !

A Stromboli, les débordements de lave sporadiques et éphémères du cratère nord ont continué en mars, avec au moins quatre épisodes. Celui du 8 mars a généré quelques nuées ardentes dans la Sciara del Fuoco, quand celui du 23 mars a exceptionnellement duré trois jours... Deux explosions majeures se sont également produites les 25 mars et 7 avril, mais depuis, il semble que l’activité ait retrouvé sa normalité, elle qui semblait un peu déréglée depuis fin septembre, avec de nombreuses effusions et quelques explosions majeures... Quoi qu’il en soit, comme nous avons pu le vérifier durant notre séjour, le Stromboli n’a pas perdu son incroyable pouvoir d’enchantement !

En Indonésie, quelques panaches de cendres ont animé le Krakatau en mars et en mai, certains atteignant quand même 2500 m de haut.

Au Karangetang, l’éruption s’est arrêtée début avril, mais après quelques semaines de calme, l’activité a repris au même endroit mi-mai, avec une phénoménologie équivalente et plutôt modeste. Une extrusion se produit au niveau du cratère Sud et engendre des avalanches pyroclastiques, principalement sur le versant sud-ouest.

Enfin, sur le Mérapi, une phase d’effondrement assez importante du dôme de lave qui se construit sur le haut versant Sud-Ouest du volcan s’est produite le 11 mars. Une quarantaine de nuées ardentes se sont ainsi formées sur ce versant ce jour-là, les plus importantes atteignant 4 km de distance. Mis à part des retombées de cendres assez abondantes vers l’ouest, l’activité n’a fait aucun dégât et a diminué quelques jours plus tard... Mais l’extrusion se poursuit actuellement et continue de produire assez fréquemment des avalanches pyroclastiques.

En Afrique, les informations concernant le Nyiragongo et le Nyamulagira sont toujours très insuffisantes pour décrire précisément l’activité. Quoi qu’il en soit, les signaux thermiques modestes au fond du cratère du premier semblent indiquer une faible activité éruptive, alors que celle sur le second est nettement plus importante, parfois même assez intense. En plus de remplir le pit crater central ces derniers mois, cette activité effusive a vraisemblablement recouvert une bonne partie de la caldeira sommitale. L’éruption s’est intensifiée au début du mois de mai, pour culminer à partir du 17 mai lorsque des lueurs rougeâtres ont commencé à être observées au-dessus du volcan... Puis, trois jours plus tard, des coulées de lave furent repérées sur le haut versant ouest, en dehors de la caldeira. Les habitants des bords du lac Kivu craignirent alors une éruption latérale, mais c’étaient vraisemblablement des coulées de débordements... Et, d’ailleurs, l’activité diminua le lendemain.

Enfin, au vanuatu, le système volcanique d’Ambae est plus ou moins instable depuis 2021. Il est là aussi difficile de savoir précisément ce qu’il s’y passe, mais des signaux thermiques sont régulièrement repérés dans le cratère du cône éruptif qui se construit dans la partie nord du lac présent à l’ouest de la caldeira sommitale. Quoi qu’il en soit, une phase plus intense d’activité s’est produite du 3 au 7 avril, avec des émissions de cendres assez abondantes et des coulées de lave qui ont comblé toute la partie Nord de ce lac.

Sommaire de la revue LAVE N°213 parue en avril 2024